Le Mendélisme (Mendelian inheritance) est une théorie de l'hérédité née des expérimentations de Mendel et décrites dans son mémoire de 1865; néanmoins les mots et formulations qui constituent le noyau de la théorie ne sont pas de Mendel lui même (Pichot, 1999 p.30) mais postérieures à la "re-découverte" de ses expériences au début du 20e siècle. Les "lois de Mendel" n'ont pas écrites par Mendel (ni d'ailleurs par ses successeurs des années 1900) et par certains aspects la reformulation, comme le terme "pureté des gamètes", relève de la pensée magique !
Mendel expérimente sur le Pois ↑
Une loi mathématique de l'hérédité
A l'époque, on ne connait pas la nature de ce qui commande la réalisation des caractères et Grégor Mendel ne cherche pas à la connaitre; il considère l'organisme comme une boite noire (François Jacob, 1970, p.245); ce que Mendel recherche, c'est une loi mathématique qui permette de prédire le résultat des croisements, et il doit attribuer aux caractères (ou caractéristiques) deux propriétés mathématiques, la discontinuité: les caractéristiques étudiées sont discrètes, et l'indépendance : les caractéristiques sont transmises, sans relation les unes aux autres, d'une génération à la suivante par les cellules sexuelles qui se rencontrent au hasard (théorie des probabilités).La génétique classique considère l'organisme comme une boite noire
Ce modèle de la boite noire sera (presque) conservé par la génétique formelle jusque vers 1950. Tout au plus y a-t-on ajouté l'idée de gène (Johannsen, 1909) et la théorie chromosomique; mais jusqu'au milieu du 20e siècle, on ne sait toujours pas ce qu'est matériellement le gène, ni comment se réalise le caractère. L'intérieur de la boite de l'hérédité n'est pas accessible par la génétique classique, il faudra faire intervenir la chimie pour "l'ouvrir" (Jacob, 1970, p.247). La théorie chromosomique a d'ailleurs longtemps laissé sceptique Johannsen (Nils Roll-Hansen, 2014) et même Morgan.Un grand nombre de récits présentant les expériences de Mendel faussent l'histoire en faisant utiliser par Mendel des mots (comme facteur) qu'il n'a jamais utilisé et en réinterprétant ses expériences à la faveur de la théorie chromosomique; c'est pourquoi il est essentiel de se référer au texte original (Mendel, 1866).
Mendel ne travaille qu'avec des couples de caractères (caractères différentiels) dominant / récessif, même quand il s'agit de la taille des plantes. Il observe que l'aspect des hybrides est uniforme et identique à la caractéristique manifestée par l'un des parents (ce qu'il va apppeler caractère dominant) et qu’il est absolument indifférent que le caractère dominant appartienne à la plante femelle ou à la plante mâle. Mendel ne s'étend pas sur les justifications de ses choix expérimentaux, mais il est facile de comprendre que le choix inverse donnait des descendants plus variés, exigeait des échantillons plus grands et pouvait entrainer des erreurs de classement des individus produits par les croisements.
p.378
«Dans la discussion qui va suivre, on appelle:
- caractères dominants ceux qui passent chez l’hybride complètement ou presque sans modification, représentant eux-mêmes, par conséquent, des caractères hybrides,
- caractères récessifs ceux qui restent à l’état latent dans la combinaison. L’expression récessif a été choisie parce que les caractères qu’elle désigne s’effacent ou disparaissent complètement chez les hybrides pour reparaître sans modifications chez leurs descendants, ainsi qu’on le montrera plus tard.»
- caractères dominants ceux qui passent chez l’hybride complètement ou presque sans modification, représentant eux-mêmes, par conséquent, des caractères hybrides,
- caractères récessifs ceux qui restent à l’état latent dans la combinaison. L’expression récessif a été choisie parce que les caractères qu’elle désigne s’effacent ou disparaissent complètement chez les hybrides pour reparaître sans modifications chez leurs descendants, ainsi qu’on le montrera plus tard.»
Les numéros de page sont ceux de la traduction publiée en 1907 et reprise sur Wikisource
Etonnement, avec le couple de caractères taille des plantes, il observe ce qu'on appelle aujourd'hui "vigueur hybride":
p.378-379
«la taille du plus grand des deux axes des plantes mâles est ordinairement dépassée par les hybrides. On doit peut-être attribuer ce fait simplement à la grande exubérance de végétation qui se manifeste dans toutes les parties de la plante lorsque l’on unit des axes de longueurs très différentes. Ainsi, par exemple, le croisement de deux tiges d’une longueur de 1 et 6 pieds donna, sans exception, dans des expériences répétées, des axes dont la longueur variait entre 6 et 7 pieds.»
Mendel pour cela il autoféconde les hybrides (il appelle leurs descendants "première génération" des hybrides ce que nous appelons F2) et il refait les expériences avec 7 couples de caractères sélectionnés.
p.379
«Pendant cette génération les caractères récessifs réapparaissent dans toute leur intégrité à côté des caractères dominants, et cela dans la remarquable proportion de 3 à 1»
En poursuivant les autofécondations pour obtenir (ce que Mendel appelle "deuxième génération des hybrides", il est constaté que les plantes présentant le caractère recessif ne produisent que ce type de descendants, et que les autres produisent des plantes récessives dans la proportion réduite de 2 à 1.
p.397-398
«
Si A désigne l’un des deux caractères constants, par exemple le dominant, a le caractère récessif et Aa la forme hybride dans laquelle ils sont réunis tous deux, l’expression
donne la série des formes pour les descendants des hybrides de chaque couple de caractères différentiels.(...) elle comprend [au minimum] 4 individus en trois groupes différents.
(...)
Prennent donc part à la fécondation les cellules polliniques A + A + a + a, les cellules ovulaires A + A + a + a. Le hasard désignera donc seul celle des deux sortes de pollen qui se lie avec chacune des cellules ovulaires. Cependant, d’après le calcul des probabilités, il doit toujours arriver, en prenant la moyenne d’un grand nombre de cas, que chacune des formes de pollen A et a se conjugue un même nombre de fois avec chacune des formes de cellules ovulaires A et a. Par conséquent, une des deux cellules polliniques A rencontrera dans la fécondation une cellule ovulaire A, l’autre une cellule ovulaire a, et, de même, l’une des cellules polliniques a sera réunie à une cellule germinative A, l’autre à a.
(...)
On peut représenter le résultat de la fécondation en mettant sous forme de fraction les caractéristiques des cellules ovulaires et polliniques accouplées, ces dernières au numérateur, les autres au dénominateur. On obtient:
Dans le premier et le quatrième terme, les cellules ovulaires et polliniques sont de même nature, les produits de leur combinaison doivent donc être constants, à savoir A et a. Par contre, dans le deuxième et le troisième terme il y a, de nouveau, réunion des deux caractères souches différentiels ; et c’est pourquoi les formes provenant de ces fécondations sont tout à fait identiques à l’hybride dont elles descendent [Aa].
(...)
(...)
Les vrais rapports numériques ne peuvent être donnés que par une moyenne tirée de la somme du plus grand nombre possible de chiffres : plus ils sont nombreux, plus on éliminera avec certitude ce qui est dû au pur hasard.»
A + 2Aa + a
donne la série des formes pour les descendants des hybrides de chaque couple de caractères différentiels.(...) elle comprend [au minimum] 4 individus en trois groupes différents.
(...)
Prennent donc part à la fécondation les cellules polliniques A + A + a + a, les cellules ovulaires A + A + a + a. Le hasard désignera donc seul celle des deux sortes de pollen qui se lie avec chacune des cellules ovulaires. Cependant, d’après le calcul des probabilités, il doit toujours arriver, en prenant la moyenne d’un grand nombre de cas, que chacune des formes de pollen A et a se conjugue un même nombre de fois avec chacune des formes de cellules ovulaires A et a. Par conséquent, une des deux cellules polliniques A rencontrera dans la fécondation une cellule ovulaire A, l’autre une cellule ovulaire a, et, de même, l’une des cellules polliniques a sera réunie à une cellule germinative A, l’autre à a.
(...)
On peut représenter le résultat de la fécondation en mettant sous forme de fraction les caractéristiques des cellules ovulaires et polliniques accouplées, ces dernières au numérateur, les autres au dénominateur. On obtient:
A
—
A
—
A
+
A
—
a
—
a
+
a
—
A
—
A
+
a
—
a
—
a
Dans le premier et le quatrième terme, les cellules ovulaires et polliniques sont de même nature, les produits de leur combinaison doivent donc être constants, à savoir A et a. Par contre, dans le deuxième et le troisième terme il y a, de nouveau, réunion des deux caractères souches différentiels ; et c’est pourquoi les formes provenant de ces fécondations sont tout à fait identiques à l’hybride dont elles descendent [Aa].
(...)
A
—
A
—
A
+
A
—
a
—
a
+
a
—
A
—
A
+
a
—
a
—
a
= A + 2 Aa + a [il faudrait sans doute mettre une flèche à la place du signe =]
Les vrais rapports numériques ne peuvent être donnés que par une moyenne tirée de la somme du plus grand nombre possible de chiffres : plus ils sont nombreux, plus on éliminera avec certitude ce qui est dû au pur hasard.»
L'air de rien, Mendel a expliqué ses résultats par le fait que les deux versions du caractère (caractères différentiels) présents chez un hybride se séparent dans les gamètes, sa formulation est un peu alambiquée:
pp.391-392
«il se forme dans l’ovaire des hybrides d’une part autant de sortes de cellules ovulaires (vésicules germinatives), dans les anthères d’autre part autant de sortes de cellules polliniques qu’il peut y avoir de formes combinées constantes; il est à penser, en outre, que ces cellules ovulaires et polliniques correspondent, par leur structure intime, à chacune de ces formes. »
p.400
«La loi de combinaison des caractères différentiels, suivant laquelle a lieu le développement des hybrides, trouve donc sa base et son explication dans le principe que nous avons établi, à savoir que les hybrides produisent des cellules ovulaires et polliniques qui correspondent en nombre égal à toutes les formes constantes provenant de la combinaison des caractères réunis par la fécondation. »
Mendel l'argumente expérimentalement par le résultat d'un croisement en retour (back-cross) ! Certains ont comparé la réprésentation sous forme de fractions de la partie gauche de son équation avec notre réprésentation actuelle des génotypes et la partie droite avec des phénotypes, mais ceci n'est aucun cas présent dans l'esprit de Mendel; la distinction généotype / phénotype attendra plusieurs dizaines d'années.
Les expériences présentées sur cette page sont les plus simples réalisées; car Mendel en a réalisé bien plus; il a croisé des Pois différant par deux couples de caractères (et même trois), et il à analysé la descendance sur plusieurs générations successives. On estime qu'il a observé (avec un aide) plus de 10 000 plantes.
La réussite tient:
- au choix d'étudier des caractéristiques opposées (discrètes): dominant / récessif;
- à "l'invention" du back-cross.
Mais du coup il a du mal à généraliser ces observations sur d'autres espèces que le Pois. Il essaie alors de se rattacher au cas précédent en invoquant un plus grand nombre de couples de caractères, mais il est bloqué par le cas des Hieracium; leur reproduction est assexuée (apomixie) et c'était hors de portée de son analyse (Nogler, 2006, Bricknell, 2016), (van Dijk, 2016).
Les caractères étudiés par Mendel
graines arrondies.

graines anguleuses et rides profondes (P. quadratum).

Source des fichiers: Wikimedia (public domain). La couleur de l'albumen transparait à travers l’épisperme (épiderme) qui est fortement transparent.
Les autres caractères étudiés:
- la coloration des fleurs blanches ou violettes, ce caractère influe aussi sur l'épisperme de la graine; il devient plus foncé quand les fleurs sont violettes;
- la forme de la gousse mûre (avec ou sans étranglements);
- la couleur de la gousse, verte ou jaune;
- la position des fleurs, qui sont terminales ou réparties sur l'axe de la plante;
- à la hauteur de la plante (axe long ayant de 6 à 7 pieds) et axe court (ayant de 3/4 de pied à un pied 1/2); l'unité de pied utilisée par Mendel devait représenter 1/3 de mètre.
NB: les plantes à fleur ont un cycle condensé par rapport aux Fougères, avec une extrême réduction du gamétophyte, mais non sa disparition totale, ce qui fait que les différentes parties de la graine n'ont pas exactement la même origine (l'intérieur d'une graine représente la génération qui suit celle de la plante qui la porte). Cela ne semble pas avoir trop perturbé Mendel.
Première expérience sur les hybrides (auto-fécondation)
Présentée par Mendel

parent A: graines arrondies
X

parent a: graines ridées

X

hybrides Aa: graines arrondies

3/4 (5 474) graines arrondies

1/4 (1 850) graines ridées
Interprétation actuelle

parent r+ / r+ : graines arrondies
X

parent r- / r- : graines ridées

X

hybrides r+ / r- : graines arrondies

r+ / r+ : 1/4 graines arrondies

r- / r+ : 2/4 graines arrondies

r- / r- : 1/4 graines ridées
Plusieurs caractères différentiels (backcross)
Présentée par Mendel

parent AB: graines arrondies jaunes
X

parent ab: graines ridées vertes
↓ ↙

hybrides ABab: graines arrondies jaunes
X

récessif ab: graines ridées vertes

24 graines arrondies jaunes AaBb

25 graines arrondies vertes Aab

27 graines ridées vertes ab

22 graines ridées jaunes aBb
Interprétation actuelle

parent
r+ i+ / r+ i+
graines arrondies jaunes
r+ i+ / r+ i+
graines arrondies jaunes
X

parent
r- i- / r- i-
graines ridées vertes
r- i- / r- i-
graines ridées vertes
↓ ↙

hybride
r+ i+ / r- i-
graines arrondies jaunes
r+ i+ / r- i-
graines arrondies jaunes
X

récessif
r- i- / r- i-
graines ridées vertes
r- i- / r- i-
graines ridées vertes
gamètes du récessif | ||
r- i- | ||
gamètes de l'hybride | r- i- | ![]() r- i- / r- i- graines ridées vertes |
r+ i+ | ![]() r+ i+ / r- i- graines arrondies jaunes | |
r- i- | ![]() r- i+ / r- i- : 1/4 graines arrondies vertes | |
r+ i- | ![]() r+ i- / r- i- : 1/4 graines ridées jaunes |
Il faudra attendre plus de 30 ans pour que ces travaux suscitent vraiment l'intérêt. Leur mise en avant et leur traduction au début du 19e siècle n'est peut-être due qu'à la concurence que se sont livrés ses successeurs. Correns, De Vries et Tschernak n'étaient pas enthousiasmés par les expérimentations de Mendel, mais les remettre en scène évitait de donner de l'importance à celui des trois qui publiait le premier (Hans-Jörg Rheinberger, 2000).
De l'ignorance à l'idolatrie ?
Mendel a aussi ses partisans. Il est traduit en anglais par William Bateson en 1901 (traduction qu'il incorpore à la fin de son gros ouvrage de 1909 Mendel's principes of heredity). Mendel est traduit en français en 1907. Et Reginald Punnett publie un traité (commenté plus loin) qu'il nomme carrément Mendelism (il invente le terme).Les "lois de Mendel"
On attribue à Correns la (re)formulation des "lois de Mendel", ce qui est inexact, et je n'ai pas réussi à découvrir l'origine précise de la formulation qui suit (Prémices de la génétique : Les lois de Mendel, wikiversity).- La loi d'uniformité des hybrides de première génération: aucune forme intermédiaire n'apparait chez les hybrides quand les parents sont de caractère opposé.
- La loi de pureté des gamètes: les caractères (en fait leurs déterminants puisque ces caractères ne sont pas visibles à ce stade du cycle de vie) se séparent dans les gamètes. Un gamète ne contient qu'un déterminant de chaque caractère.
- La ségrégation indépendante des caractères héréditaires.
En 1900 Correns résume les expériences de Mendel et en reste à une loi qu'il exprime ainsi: «Dans les cellules reproductrices hybrides, les ébauches des caractéristiques parentales individuelles [Correns emploie le terme anlagen] sont présentes dans toutes les combinaisons possibles, mais les deux ébauches d'une même paire de caractères ne sont jamais combinées. Chaque combinaison se produit à peu près à la même fréquence.» (Correns, 1900). La formulation de Correns exprime les principes mathématiques qui ont guidé Mendel: la discontinuité et l'indépendance. Et Correns insiste en postface:
- que dans de nombreuses paires de caractères, il n'y a pas de membre dominant,
- que la loi de ségrégation de Mendel ne peut pas être appliquée universellement.
On ne peut être plus clair. Correns pratiquait des croisements sur le Maïs depuis 1894 et a expérimenté sur le Pois dès 1900; Correns confirme par ailleurs le comportement très particulier des hybrides Hieracium (sans pouvoir l'expliquer plus que Mendel).
Pour être complet, Mendel tranche aussi un débat vif au 19e siècle en montrant que mâle et femelle ont un rôle équivalent (avec quelques exceptions qu'on découvrira plus tard et qui permettront de valider le rôle des chromosomes).
Les trois lois citées plus haut sont des reformulations ultérieures; et dans cette reformulation, la loi 2, "de pureté des gamètes", la seule toujours vérifiée, en perd sa modélisation mathémathique, mais c'est pour tomber dans ce qu'on peut appeler "la pensée magique". Au mieux on en donne une explication mécaniste permise par la théorie chromosomique. Une reformulation assez fascinante qui pourrait être liée à l'enseignement ?
De nombreux chercheurs appliquent le protocole mendélien d'hybridation à diverses espèces végétales et animales. Dans un premier temps, les résultats de Mendel sont complètement confirmés.
Reginald Punnett distingue (implicitement?) facteurs et caractères et invente le "Punnett square"

Reginald C. Punnett. 1907. Mendelism, 2e Ed, p.45.
En s'aidant d'une schématisation devenue iconique, Punnett montre que le croisement de parents différant par deux couples de caractères dominants /récessifs, qu'il nomme dihybridisme, produit par croisement de la première génération par elle même 16 combinaisons différentes (de facteurs) en seconde génération qui correspondent à 4 "manifestations" du caractère représentées par 4 motifs (9 contenant A et B, 3 contenant A mais non B, 3 contenant B, mais non A et 1 ne contenant ni A ni B). Domaine public.
En s'aidant d'une schématisation devenue iconique, Punnett montre que le croisement de parents différant par deux couples de caractères dominants /récessifs, qu'il nomme dihybridisme, produit par croisement de la première génération par elle même 16 combinaisons différentes (de facteurs) en seconde génération qui correspondent à 4 "manifestations" du caractère représentées par 4 motifs (9 contenant A et B, 3 contenant A mais non B, 3 contenant B, mais non A et 1 ne contenant ni A ni B). Domaine public.
Il existe cependant une grande différence avec la représentation de Mendel parce tout en continuant à utiliser le vocabulaire de Mendel (dont il est un grand admirateur), Punnett utilise deux lettres dans chaque case du damier pour chaque couple de caractère; les lettres sont différentes (chez l'hétérozygote) ou identiques (chez l'homozygote) mais toujours présentes en double (p.48); la justification est dans le schéma (p.25). Punnett utilise alors le mot facteur à la place de caractère (les gamètes ne peuvent exprimer les caractères visibles chez l'adulte).
Difficile de dire si Punnett a encore des difficultés à distinguer ce que l'on nommera génotype et phénotype ou si sa non formulation est une prudence de vocabulaire, mais c'est un concepteur génial de schémas. Le carré de Punnett est la représentation d'un calcul de probabilités pour les combinaisons de facteurs, mais il en distingue les caractères qui sont figurés par le motif (lignes verticales ou horizontales, combinaison des deux ou absence). Punnett utilise son carré pour traiter le cas de couples de facteurs interagissant en eux; il cite des Pois de senteur à fleur blanches pouvant donner des hybrides à fleurs rouges et l'explique en faisant intervenir deux couples de facteurs dans la détermination de la couleur de la fleur (pp.52-53), c'est une hypothèse, mais elle est brillante !
Il ne manque à Punnett que le vocabulaire, pour que la distinction génotype / phénotype soit explicitée dans le texte. Le carré de Punett est d'ailleurs très souvent repris dans les manuels scolaires en y ajoutant une représentation des gamètes sur deux des côtés du damier. D'une représentation graphique des probabilités, on passe à une représentation fonctionnelle de la fécondation.
Pour simplifier l'analyse, on croise souvent la première génération, non par elle-même, mais par le parent portant les caractères récessifs (croisement-test ou croisement en retour ou back-cross), dans ce cas on obtient en seconde génération 4 phénotypes en proportions égales. Et c'est Mendel qui a inventé cette méthode ! Si Mendel utilise peu ce type de croisement c'est parce qu'il a choisi le Pois pour la facilité: la maturation des étamines et du pistil se produit alors que la fleur est fermée (par sa corolle), et empêche une fécondation par des pollens étrangers; il y a autofécondation et même auto pollinisation à l'intérieur de chaque fleur. En contrepartie, pour réaliser un back-cross il faut enlever délicatement les étamines de la plante hybride avant leur maturation et déposer sur les pistils de l'hybride le pollen provenant de la plante récessive tout en préservant la fermeture de la corolle. C'est pourquoi Mendel réalise peu de back-cross et que les effectifs utilisés dans ce cas sont plus faibles.
Exceptions à la loi 3: chez le Pois de Senteur, si on croise des plantes à fleurs pourpre et à grains de pollens allongés (caractères dominants) par des plantes à fleurs rouges et à grains de pollen ronds, caractères récessifs, les 4 phénotypes de seconde génération ne sont plus en proportions égales, et les phénotypes nouveaux par rapport à ceux des parents (fleurs pourpre et pollen rond ainsi que fleurs rouges et pollen allongé), moins fréquents. Thomas Morgan va obtenir des résultats comparables en travaillant sur une petite Mouche, la Drosophile. Il utilisera le terme de caractères liés pour désigner ces faits. Contrairement à ce que montrait Mendel, tous les couples de caractères ne sont pas indépendants.
Les déterminants ou les facteurs de Punnett (que l'on nommera gènes ou allèles sont distingués des caractères par Johannsen en 1909.
Pour Johannsen, le gène doit rester une abstraction
«Le mot gène est libre de toute hypothèse [sur sa nature]; il exprime seulement le fait que de nombreux caractères de l'organisme sont déterminés dans les cellules germinales par des conditions (zustände) et des fondements (grundlagen), présents de manière unique, séparables et par conséquent indépendants.»
↑ Gregor Mendel. 1866. Versuche über Pflanzenhybriden. trad. Chappellier A.. 1907. Recherches sur les hybrides végétaux. Bulletin Scientifique de la France et de la Belgique, t. 41: pp.371-419; en ligne (Wikisource); copie locale (
↑ Mendel,De Vries, Correns, Tschernak. Classic papers. old.esp.org.
↑ Carl Correns. 1900. G. Mendels Regel Über das Verhalten der Nachkommenschaft der Rassenbastarde. Berichte der Deutschen Botanischen Gesellschaft, 18: 158-168. trad. G. Mendel Law concerning the Behavior of Progeny of varietal Hybrids. esp.org.
↑ Carl Correns. 1912. Die neuen Vererbungsgesetze. Berlin.
L'ouvrage contient d'intéressantes illustrations en couleurs des expérimentations de Correns.
Numérisé en 2008 par 2008 Kurt Stüber. www.BioLib.de GNU Free Documentation License.
↑ Reginald C. Punnett. 1905 (1907). Mendelism, 2ed. Bowes and Bowes, Cambridge. pdf (esp.org).
L'ouvrage de Punnett est d'autant plus intéressant qu'il est concis (85 petites pages fort joliment imprimées); la schématisation, abondante, est tout à fait remarquable; lecture vivement conseillée.
William Bateson. 1909. Mendel's principes of heredity. Cambridge University. (archive.org)
Contient une traduction du mémoire de Mendel en anglais.
↑ Johan H. Wanscher. 1975. An analysis of Wilhelm Johannsen's genetical genotype “term” 1909–26. Hereditas, 79: 1-4 (pdf). DOI: 10.1111/j.1601-5223.1975.tb01456.x
↑ Hans-Jörg Rheinberger. 2000. Mendelian inheritance in Germany between 1900 and 1910. The case of Carl Correns. CR Acad. Sci. Paris, Sciences de la vie / Life Sciences 323: 1089–1096. In Jean Gayon, François Gros, Michel Morange, Michel Veuille (Dir.). 2000. 1900-Redécouverte des lois de Mendel. Elsevier, pp.1033-1195. Version anglaise (Researchgate).
Hans-Jörg Rheinberger. 2003. Carl Correns' Experiments with Pisum. . DOI:10.1007/0-306-48152-9_11 (Researchgate); en allemand.
.pdf
, source: université de Lausanne); trad William Bateson. 1901. Experiments in Plant Hybridisation (.pdf
, old.esp.org).↑ Mendel,De Vries, Correns, Tschernak. Classic papers. old.esp.org.
↑ Carl Correns. 1900. G. Mendels Regel Über das Verhalten der Nachkommenschaft der Rassenbastarde. Berichte der Deutschen Botanischen Gesellschaft, 18: 158-168. trad. G. Mendel Law concerning the Behavior of Progeny of varietal Hybrids. esp.org.
↑ Carl Correns. 1912. Die neuen Vererbungsgesetze. Berlin.
L'ouvrage contient d'intéressantes illustrations en couleurs des expérimentations de Correns.
Numérisé en 2008 par 2008 Kurt Stüber. www.BioLib.de GNU Free Documentation License.
↑ Reginald C. Punnett. 1905 (1907). Mendelism, 2ed. Bowes and Bowes, Cambridge. pdf (esp.org).
L'ouvrage de Punnett est d'autant plus intéressant qu'il est concis (85 petites pages fort joliment imprimées); la schématisation, abondante, est tout à fait remarquable; lecture vivement conseillée.
William Bateson. 1909. Mendel's principes of heredity. Cambridge University. (archive.org)
Contient une traduction du mémoire de Mendel en anglais.
↑ Johan H. Wanscher. 1975. An analysis of Wilhelm Johannsen's genetical genotype “term” 1909–26. Hereditas, 79: 1-4 (pdf). DOI: 10.1111/j.1601-5223.1975.tb01456.x
↑ Hans-Jörg Rheinberger. 2000. Mendelian inheritance in Germany between 1900 and 1910. The case of Carl Correns. CR Acad. Sci. Paris, Sciences de la vie / Life Sciences 323: 1089–1096. In Jean Gayon, François Gros, Michel Morange, Michel Veuille (Dir.). 2000. 1900-Redécouverte des lois de Mendel. Elsevier, pp.1033-1195. Version anglaise (Researchgate).
Hans-Jörg Rheinberger. 2003. Carl Correns' Experiments with Pisum. . DOI:10.1007/0-306-48152-9_11 (Researchgate); en allemand.
Trop beau pour être vrai ? ↑
Certains historiens des sciences ont mis en doute l'honnêteté des travaux de Mendel. Outre que ces remarques ne s'accordent pas au caractère modeste de Mendel, certains détails cités (reliés par exemple à la vigueur hybride et dépourvus de sens à l'époque) prouvent à eux seuls la réalité des travaux. Et Mendel invente le croisement hybride par un parent portant uniquement la version récessive des couples de caractère (le croisement en retour ou back-cross), ce qui statistiquement fiabilise les résultats même avec de petits effectifs (qu'il ne faut pas trop abaisser quand même).Un des principaux points d'interrogation concerne cependant l'absence de toute liaison entre les couples de caractères étudiés. Le Pois présente 7 paires de chromosomes, Mendel choisi 7 couples de caractères, et les gènes concernés sont localisés sur 6 chromosomes différents (Feng, 2025), quelle chance !

d'après Cong Feng. 2025. Nature 642, extended data fig 1.
caractère | Phenotype | Allèles | Chromosome(s) |
---|---|---|---|
Forme de la graine | [lisse] / [rugeuse] | r+ / r- | 3 |
Couleur des cotylédons | [jaune] / [vert] | i+ / i- | 2 |
Couleur de la cosse | [vert] / [jaune] | gp+ / gp- | 3 |
Aspect de la cosse | [renflée] / [étroite] | p+ / p- ou v+ / v- | 1 (p) ou 5 (v) |
Couleur de la fleur | [pourpre] / [blanche] | a* / a- ou Mfa En fait, comme l'avait remarqué Mendel, le caractère est pléiotropique et implique plusieurs gènes sur le même chromosome |
6 |
Position des fleurs | [axiale] / [terminale] | fa+ / fa- | 4 |
Taille des plants | [grand] / [nain] | le+ / le- (l'allèle muté code un acide gibbéréllique inactif) |
5 |
Il se peut que Mendel ait délaissé les résultats de croisements impliquant des gènes liés, faute de pouvoir les interpréter dans le cadre de son modèle mathématique. Cependant, même ce point de vue est très discuté par les historiens des sciences et cela ne peut résulter d'une intention systématique : non seulement la troisième "loi de Mendel" (celle de la ségrégation indépendante des couples de caractères), n'a jamais été formulée par Mendel, mais il insiste peu sur cet aspect des choses et il indique même plus tard avoir trouvé chez Hieracium une absence de ségrégation !
Les archives de Mendel ont été brûlées juste après sa mort par son successeur à la tête de monastère; si elles avaient survécu, elles auraient aujourd'hui une valeur inestimable.
R. Fisher. .
Cong Feng, Baizi Chen, Julie Hofer et al.. 2025. Genomic and genetic insights into Mendel’s pea genes. Nature 642, 980–989 (2025). DOI: 10.1038/s41586-025-08891-6.
Cong Feng, Baizi Chen, Julie Hofer et al.. 2025. Genomic and genetic insights into Mendel’s pea genes. Nature 642, 980–989 (2025). DOI: 10.1038/s41586-025-08891-6.
Pourquoi les travaux de Mendel ont-ils étés laissés de côté pendant 35 ans ? ↑
Que Mendel ait mis de côté ou pas certaines de ses données, on comprend que ce type de modélisation mathématique permet de prévoir un résultat, mais n'est d'aucune aide pour expliquer le détail des phénomènes.Deux découvertes vont permettre la valorisation des travaux de Mendel:
Les résultats montrent que les caractères différentiels ne s'assemblent que temporairement. Ainsi l'hybridation ne permet pas l'apparition de caractères nouveaux et encore moins de nouvelles espèces. C'est l'inverse de ce que ses contemporains attendaient ! En l'absence d'un mécanisme créateur de diversité, les résultats de Mendel ne peuvent que servir d'arguments aux opposants à la théorie darwinienne de l'évolution. Il faudra attendre la découverte des mutations pour que cette difficultée soit contournée
Les contemporains de Mendel, comme Nägeli, recherchent une théorie physico-chimique, un support physique de l'hérédité alors que l'expérimentation de Mendel ne cherche absolument pas à expliquer un mécanisme. Mendel utilise le modèle de la boite noire (Jacob, 1970): il se passe de tout support matériel. Son but est de mettre en avant une belle formule, un ordre naturel. Ce n'est qu'avec l'observation des cellules et des divisions cellulaires, des chromosomes, qu'une petite partie de la boite noire sera révélée.
Et bien plus tard, le mendélisme en ignorant toute intervention de l'environnement ne pouvait être que rejeté comme s'opposant à la doctrine officielle de l'URSS en génétique (celle revue par Lyssenko). Et dans un pays sous influence de l'URSS, la Tchékoslovaquie, il était mal vu de célébrer la mémoire de Mendel. Il faudra attendre 2002 pour l'ouverture à Brno, aujourdhui ville de Tchéquie, d'un Musée Mendel (Mendelovo muzeum) dans une portion de l'abbaye augustinienne où Mendel a réalisé ses recherches et dont il a terminé supérieur.
Bibliographie ↑
(1) Pichot A.. 1999. Histoire de la notion de gène. Flammarion, Paris : 30.
(2) Mayr E.. 982. The Growth of biological Thought. Haward university Press. trad. Blanc M.. 1989. Histoire de la biologie. Fayard, Paris : 663.
Roger Blumberg. 1997. www.mendelweb.org
Mendel museum.
(2) Mayr E.. 982. The Growth of biological Thought. Haward university Press. trad. Blanc M.. 1989. Histoire de la biologie. Fayard, Paris : 663.
Roger Blumberg. 1997. www.mendelweb.org
Mendel museum.
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