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Les Tortues

Une occasion manquée
Darwin avait embarqué sur le Beagle quatre jeunes Tortues prises sur San Salvador comme animaux de compagnie et le capitaine FitzRoy deux jeunes tortues prises sur Española, mais les jeunes Tortues ne montrent aucune différence morphologique et ont toutes le dos bombé. FitzRoy avait aussi embarqué, selon la mauvaise coutume de l'époque, une trentaine d'adultes pour servir de nourriture pendant la traversée du Pacifique et leur carapaces ont été jetées par dessus bord après qu'elles furent consommées sans que personne n'y prête plus d'intérêt.

"My attention was first called to this fact by the Vice-Governor, Mr. Lawson, declaring that the tortoises differed from the different islands, and that he could with certainty tell from which island any one was brought. I did not for some time pay sufficient attention to this statement, and I had already partially mingled together the collections from two of the islands. I never dreamed that islands, about 50 or 60 miles apart, and most of them in sight of each other, formed of precisely the same rocks, placed under a quite similar climate, rising to a nearly equal height, would have been differently tenanted; but we shall soon see that this is the case."
«Mon attention a été attirée pour la première fois sur ce fait par le Vice-Gouverneur, M. Lawson, déclarant que les tortues différaient d'une ile à l'autre et qu'il pouvait dire avec certitude de quelle ile on avait amené. Pendant un certain temps je n'ai pas prêté une attention suffisante à ce fait, et j'avais déjà partiellement mélangé les collections de deux des îles. Je n'ai jamais rêvé que des iles, distantes d'environ 50 ou 60 milles, et la plupart en vue l'une de l'autre, formées précisément des mêmes roches, placées sous un climat tout à fait semblable, et s'élevant à une hauteur à peu près égale, auraient été occupées différemment; mais nous verrons bientôt que c'est le cas.»


La co-évolution des tortues et des Opuntias
Charles Darwin, The Voyage of the Beagle, 1845: pl 79
Plate
Darwin a collecté plus de 200 plantes aux Galápagos; contrairement aux Pinsons, elles étaient soigneusement étiquetées selon leur lieu de récolte. Elles ont été étudiées en 1845 par le botaniste J.D. Hooker qui en identifie 78 comme espèces nouvelles. Jusqu'à aujourd'hui, peu de recherches ont été réalisées sur les processus évolutif concernant ces plantes et encore moins sur leur contribution à la pensée évolutionniste de Darwin. Les Opuntia arborescents sont parmi les êtres vivants les plus caractéristiques et les plus spectaculaires de l'archipel. Un dessin les représentant figure dans le manuscrit du Voyage of the Beagle et Darwin à parfaitement observé les habitudes alimentaires de certaines Tortues.

"The tortoises which live on those islands where there is no water, or in the lower and arid parts of the others, feed chiefly on the succulent cactus. Those which frequent the higher and damp regions, eat the leaves of various trees, a kind of berry (called guayavita) which is acid and austere, and likewise a pale green filamentous lichen (Usnera plicata), that hangs in tresses from the boughs of the trees."
«Les tortues qui vivent sur ces iles où il n'y a pas d'eau, ou dans les parties inférieures et arides des autres, se nourrissent principalement des cactus succulents. Celles qui fréquentent les régions hautes et humides, mangent les feuilles de divers arbres, d'une sorte de baie (appelée guayavita) qui est acide et austère, et aussi d'un lichen filamenteux vert pâle (Usnera plicata), qui pend dans les tresses des branches des arbres.»


Hors dans toutes les iles peuplées (ou qui ont été dans le passé peuplées) de tortues, les "raquettes" et les fruits des Oputia sont perchés sur un tronc puissant, capable de résister au bec des tortues. Sur les iles qui n'ont jamais été peuplées par les tortues, les Oputia ressemblent à ceux que nous connaissons ailleurs dans le monde.

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Opuntia megasperma, Ile Lovely, près de Floreana; © Michel Racine.
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Opuntia zacana, ile de Seymour; © Michel Racine.

The Galapagos giant tortoise Chelonoidis phantasticus is not extinct.

Jensen, E.L., Gaughran, S.J., Fusco, N.A. et al. 2022. The Galapagos giant tortoise Chelonoidis phantasticus is not extinct. Commun Biol 5, 546. DOI: 10.1038/s42003-022-03483-w

Les Oiseaux moqueurs

Un constat qui interroge Darwin
« quand je vois ces iles si proches les une des autres, dont la faune est peu abondante, habitées par ces Oiseaux de structure très peu différente et tenant la même place dans la nature, je dois supposer qu'ils ne représentent que des variétés d'une même espèce. (...) Si ces remarques ont le moindre fondement, la zoologie de cet archipel mérite d'être examinée plus en détail car de tels faits pourraient ébranler la notion d'espèce.»

« Quand j'étais à bord du Beagle, je croyais en la permanence des espèces, mais aussi loin que je m'en souvienne, de vagues doutes me traversaient régulièrement l'esprit.»

"My attention was first thoroughly aroused by comparing together the numerous specimens, shot by myself and several other parties on board, of the mocking-thrushes, when, to my astonishment, I discovered that all those from Charles Island belonged to one species (Mimus trifasciatus); all from Albemarle Island to M. parvulus; and all from James and Chatham Islands...belonged to M. melanotis."
«Mon attention a d'abord été complètement éveillée par la comparaison des nombreux spécimens de grives moqueuses, abattus par moi-même et plusieurs autres groupes à bord, lorsque, à mon grand étonnement, j'ai découvert que tous ceux de l'île Charles appartenaient à une seule espèce (Mimus trifasciatus); tous ceux de l'île Albemarle à M. parvulus ; et tous ceux des îles James et Chatham... appartenaient à M. melanotis


Les Pinsons

Les Pinsons des Galápagos ne sont pas cités dans l'Origine des espèces
L'exemple des Pinsons est bien plus complexe que celui des Oiseaux moqueurs pour susciter des doutes chez un "créationniste", de plus Darwin n'avait pas collecté lui-même les oiseaux (il était aidé d'un assitant); et surtout la provenance (c'est à dire le nom de l'ile) sur laquelle chaque pinson était collecté n'a pas été enregistré. Ce n'est qu'une fois sa théorie élaborée et après ses contacts avec l'ornithologiste John Gould que Darwin peut appliquer cette théorie aux Pinsons.

Mais dès la deuxième édition du Voyage du Beagle, en 1847 (chapitre 17), Darwin peut devenir plus explicite: après avoir reconnu l'existence de 13 espèces endémiques de Pinsons, il insiste sur la variation graduée de la longueur du bec pour finalement l'expliquer par un ancêtre commun.

"The remaining land-birds form a most singular group of finches, related to each other in the structure of their beaks, short tails, form of body and plumage: there are thirteen species which Mr. Gould has divided into four sub-groups. All these species are peculiar to this archipelago (...);

Charles Darwin, The Voyage of the Beagle, 1845: pl 81

Plate 81: 1. Geospiza magnirostris, 2. Geospiza fortis, 3. Geospiza parvula, 4. Certhidea olivacea
The most curious fact is the perfect gradation in the size of the beaks in the different species of Geospiza, from one as large as that of a hawfinch to that of a chaffinch, and (if Mr. Gould is right in including his sub-group, Certhidea, in the main group) even to that of a warbler.

The largest beak in the genus Geospiza is shown in (Plate 81) Figure 1, and the smallest in Figure 3; but instead of there being only one intermediate species, with a beak of the size shown in Figure 2, there are no less than six species with insensibly graduated beaks. The beak of the sub-group Certhidea, is shown in Figure 4. The beak of Cactornis is somewhat like that of a starling, and that of the fourth sub-group, Camarhynchus, is slightly parrot-shaped. Seeing this gradation and diversity of structure in one small, intimately related group of birds, one might really fancy that from an original paucity of birds in this archipelago, one species had been taken and modified for different ends."

«Les oiseaux terrestres restants forment un groupe très singulier de pinsons, apparentés les uns aux autres par la structure de leur bec, leur queue courte, la forme de leur corps et leur plumage : on en compte treize espèces que M. Gould a divisées en quatre sous-groupes. Toutes ces espèces sont particulières à cet archipel (...) ;

Le fait le plus curieux est la parfaite gradation de la taille des becs des différentes espèces de Geospiza, depuis celui d'un gros-bec casse-noyaux jusqu'à celui d'un pinson des arbres, et même (si M. Gould a raison d'inclure son sous-groupe, Certhidea, dans le groupe principal) jusqu'à celui d'une fauvette.

Le plus grand bec du genre Geospiza est représenté sur la figure 1 (planche 81), et le plus petit sur la figure 3 ; mais au lieu d'une seule espèce intermédiaire, dotée d'un bec de la taille indiquée sur la figure 2, on compte pas moins de six espèces dont le bec est insensiblement gradué. Le bec du sous-groupe Certhidea est représenté sur la figure 4. Le bec de Cactornis ressemble quelque peu à celui d'un étourneau, et celui du quatrième sous-groupe, Camarhynchus, est légèrement en forme de perroquet. En voyant cette gradation et cette diversité de structure dans un petit groupe d'oiseaux intimement liés, on pourrait vraiment imaginer qu'à partir d'une pénurie originelle d'oiseaux dans cet archipel, une espèce a été prélevée et modifiée à des fins différentes.»

Ainsi les Galápagos ont une une importance certaine, sinon décisive dans la génèse de la théorie de la descendance avec modification par Darwin, mais sans doute pas au sens ou on l'entend souvent: c'est nettement après son retour, après ses contacts avec John Gould que sa conviction s'établit.

 Références


() Charles Darwin. 1890 (1845). Journal of Researches into the Natural History and Geology of the Countries visited during the Voyage of H.M.S. Beagle round the World renommé au cours des éditions successives A Naturalist's Voyage Round the World The Voyage Of The Beagle (eleventh edition). John Murray, London.
Charles Darwin. 1868. The Variation of Animals and Plants in Domestication. John Murray, London.

David Lack D. 1953. Darwin's Finches. Scientific American, April.

Frank J. Sulloway. 1982. Darwin and His Finches: The Evolution of a Legend. Journal of the History of Biology, 15: 1-53.ResearchGate
Frank J. Sulloway. 1982. Darwin's Conversion: The Beagle Voyage and Its Aftermath. Journal of the History of Biology, 15:325-96.
Frank J. Sulloway. 1983. The Legend of Darwin's Finches. Nature 303:372.

Stephen Jay Gould. 1988. Darwin en mer - et enfin à bon port in Le Sourire du Flamant rose. Seuil: 318-329. (1985. The Flamingo's Smile. W. W. Norton & Company.)

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