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Darwin, Engels et Marx
  1. La domestication
  2. Les maïs hybrides ou l'histoire d'une dépossession
  3. Le maïs, un OGM modèle ?

La domestication ↑ 

L'origine du maïs bénéficie d'une documentation considérable et d'une recherche active; l'histoire de la plante est particulièrement riche. Le Maïs cultivé Zea mays ssp mays est une graminée d’origine tropicale, de la tribu des Maydées. Différentes formes sauvages de l’espèce Zea mays existent au Mexique; ce sont les téosintes, avec des formes annuelles, Zea mays ssp mexicana et Zea mays ssp parviglumis et une forme pérenne, Zea mays ssp perennis. Si les différences morphologiques sont importantes entre les différentes formes, elles restent des variétés d'une espèce unique Zea mays. La variété perennis a subi au cours de l'histoire un doublement du nombre de ses chromosomes. Les variétés mexicana et parviglumis ont le même nombre de chromosomes que la variété cultivée (2n=10), s'hybrident facilement avec elle et la F1 issue de ces croisements est fertile.

John Harshberger est le premier à avoir identifié le centre du Mexique comme origine de la plante (Harshberger, 1896: 148); Darwin l'avait déjà situé en Amérique en 1868, mais était moins précis (il insiste sur l'extraordinaire variation présentée par cette plante cultivée).

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téosinte (d'après Stitzer, 2018)).
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maïs cultivé (d'après Stitzer, 2018).


La comparaison maïs (cultivé) - téosinte (1) montre que:

- le port du maïs est très peu ramifié et les branches latérales se transforment en épis.

- les épis sont moins nombreux et plus gros chez le mais comparativement à la téosine.

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Epis de maïs de la région de Tarapacá (Chili). A: Pircas, 2320 to 1420 BP, B: Tarapacá 13, 930 to 490 BP, C: Tarapacá Viejo, 662 to 350 BP. D: Camiña (gauche) and Tarapacá (droite), actuels. échelle = 8 centimètres. D'après Elgueta et al.. 2019. PLoS ONE 14(1) e0210369, fig 2 (Creative Commons Attribution 4.0 International license).

- Le maïs possède des épillets appariés alors que le téosinte a des épillets simples (l'épillet est la petite tige portant une fleur; la plupart des herbes montrent des épillets simples, mais dans la famille du mais les épillets sont par paires dans les fleurs mâles et femelles). Dans le téosinte, bien qu'il y ait des épillets appariés dans la panicule, seuls des épillets simples sont formés dans l'épi (Doebley, 1995b), ces épillets durcissent ensuite pour former une partie du fruit des graines de téosinte. L'épi de maïs semble régénérer l'état ancestral, la conséquence est que le maïs forme davantage de fleurs femelles et donc de graines.

- L'épi de maïs présente au minimum 4 rangées de grains alors que celui de téosinte n'en a que 2.

- Le rachis (l'axe de l'épi) du maïs reste intact alors qu'il se désarticule chez la téosinte (en raison de la présence de couches d'abscission), permettant la dispersion des graines. Pour l'Homme la récolte est facilitée et le mais devient dépendant de l'Homme pour se reproduire.

- Les glumes (la feuille à la base d'une fleur) du maïs sont petites et molles, tandis que celles de la téosinte (plus la cupule, c'est à dire le fragment associé du rachis) entourent complétement chaque graine. Les grains (fruits cupulés) de la téosine résistent au passage dans le dans le tube digestif des Oiseaux et des Mammifères qui les dispersent (Wilkes, 1967). Au contraire, les grains du maïs sont exposés aux prédateurs. Il existe une relation entre ce caractère et le précédent: la domestication entraine un changement dans le développement de l'épi de sorte que les cupules et les glumes forment son axe interne au lieu d'envelopper les graines, une sorte de retournement (Wang, 2005).

- La floraison du maïs est limitée dans le temps et les fleurs femelles apparaissent après les fleurs mâles, ce qui favorise la fécondation croisée.

L'augmentation de la taille des fruits ou des graines, la réduction de la dispersion des semences et la réduction de la ramification sont des caractéristiques communes aux plantes domestiquées (Stitzer, 2018).

Une multitude de pistes ont été explorées dès le début du 20e siècle pour déterminer l'histoire agricole du Maïs, mais le poids des représentations conduit souvent a des fausses pistes comme l'idée d'une évolution irréversible. Hors la téosinte présente deux traits de caractère avancés (épillets femelles simples et glumes dures recouvrant ses grains) tandis que le maïs cultivé présente des traits plus primitifs (épillets femelles appariés et glumes plus molles); dans ce cadre, on envisageait très difficilement que le maïs cultivé puisse dériver de la téosinte (Doebley, 2001: 488). L'hypothèse d'une téosinte descendante d'un ancêtre commun ou d'un maïs ancestral disparu a été particulièrement défendue par Paul Mangelsdorf, jusque dans les années 1970 (Doebley, 2001: 491).

Dès 1932, Rollins Emerson et Georges Beadle, en étudiant la méiose d'hybrides (F1) de maïs cultivé et de téosinte mexicaine (de type Chalco) constatent qu'elle se déroule normalement, donc que les deux plantes constituent une espéce unique, confirmant l'idée émise par Harshberger.

La linéarité gène-caractère, une idée fausse
Reprenant en 1972 de l'intérêt pour le Maïs, Beadle étudie 15 000 hybrides F2 issus de croisements maïs cultivé (race Chapalote) / téosinte (Zea mays subsp. mexicana, race Chalco) et constate qu'1 plante sur 500 ressemble au type parental, il en déduit que le maïs cultivé dérive de la théosinte après seulement 4 à 5 mutations (Beadle, 1972). Une affirmation extrêmement réductionniste reprenant une hypothèse qu'il avait formulée en 1939 (un gène - un caractère). Le fait que le maïs dérive de la téosinte n'est plus mis en doute aujourd'hui; mais le fait que seulement 4 ou 5 gènes différencient les deux variétés n'est plus défendable; il faut se garder, même dans un but de transposition didactique, de plaquer sur la domestication du maïs d'autres représentations sans doute issues de la génétique mendélienne et relevant d'une vision réductionniste du monde.

La version actuelle de l'histoire est moins simple à exposer: on utilise le terme de "locus d'un caractère quantitatif" (quantitative trait locus, QTL) plutôt que celui de gène et on en identifie effectivement cinq jouant un rôle essentiel, mais ils sont loin d'être les seuls à intervenir. La domestication permet de stabiliser ces variations dans un environnement génétique cohérent bien plus vaste (Stitzer, 2018). En 2007 Briggs calcule que seulement 14 de 314 QTL identifiés comme différenciant le maïs de la téosine permettent d'expliquer plus de 10% d'un trait de caractère.

Au moins deux locus ont été identifiés plus en détail comme modifiés par la domestication: tb1 et tga1, situés respectivement sur les chromosomes 1 et 4.

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En vert, la partie codante du gène tb1; en rouge le transposon; d'après Vann, 2015, fig 1 (simplifié).
Le locus tb1 code une protéine bHLH, un facteur de transcription de la famille TCP, c'est à dire qui possède un domaine (une séquence TCP) et agit en s'associant à l'ADN; tb1 est donc un gène régulateur, ici un répresseur de croissance (hubbard, 2002). Un transposon situé en amont du gène tb1 renforce son action (Studer, 2011). Le maïs contient systématiquement ce transposon alors qu'il semble peu fréquent chez les populations de téosinte (mais son insertion serait antérieure à la domestication). Les populations de téosinte (parviglumis) de Jalisco font exception avec une fréquence de ce transposon pouvant atteindre 50%.

Le rôle de ce transposon apparait être différent chez le mais et la téosinte: inséré dans le génome du mais, l'allèle tb1 de la téosinte entraine un phénotype branché chez le maïs lorsque ce mais est cultivé en populations peu denses, mais le maïs conserve son aspect habituel peu branché en populations denses. Chez le téosinte, au contraire, une fréquence plus ou moins élevée du transposon semble n'avoir aucun effet sur le branchement de la plante (Vann, 2015); l'auteur suggère que les plantations réalisées pour la recherche étaient peut-être trop denses pour observer une différence, mais plus sûrement que le branchement soit contrôlé par d'autres gènes (Vann, 2015).

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Réseau des gènes impliqués dans la domestication du Maïs (Studer, 2017, fig 5).
En plus de réguler la voie de formation des bourgeons axillaires, tb1 est impliqué dans diverses autres régulations, notamment l'abscission des grains, la réactivité à la lumière et interagirait avec tga1 ci-après (Studer, 2017).

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En 2019 Zhang étudie deux variétés de Maïs, le Maïs sucré (sweet maize) et le popcorn qui ont conservé un port ramifié au cours du processus de domestication (Zhang, 2019). Un autre QTL contenant le gène régulateur tin1 (indépendant de tb1) est en jeu.

L'autre locus très étudié tga1 représente un autre gène régulateur, agissant sur la protection du fruit.

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b: épis de téosinte avec l'entre-nœud du rachis (in) et la glume (gl) étiquetés. c: épis de téosinte portant l'allèle tga1 du maïs. d: gros plan d'un seul fruit (grain) de téosinte. e: gros plan d'un fruit (grain) de téosine portant l'allèle tga1 du maïs. Tiré de Wang, 2005.
Inséré dans le génome du téosinte, l'allèle tga1-maize réduit l'entre-nœud, de sorte que la cupule est trop petite pour abriter le grain (figure c, e).

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g: épi de maïs W22: portant l'allèle tga1 du téosinte, montrant des glumes élargies (gl). h: épi de maïs W22 portant l'allèle tga1-ems, présentant des glumes élargies. Tiré de Wang, 2005.

Dans le contexte du maïs, l'allele tga1-teosinte élargit la cupule et la glume (figure f, g); de plus les cellules épidermiques de la cupule et de la glume accumulent la silice, tandis que les cellules lignifiées de la glume forment une couche plus épaisse.

L'allèle tga1-ems obtenu par mutagénèse (par action de l'ethyl methanesulfonate) de la lignée W22 du maïs produit en situation homozygote un phénotype identique à celui de l'allèle du téosinte (figure h), mais l'effet semble moins stable et dépendre de l'environnement.

Les séquences de la partie codante du gène tga1 ont pu être déterminées pour plusieurs variétés de maïs (dont la variété mutée ems) et plusieurs variétés de téosine. Il existe une certaine variabilité dans ces séquences. Ce qui différencie les maïs non ems d'une part et les téosinte d'autre part est le 6e codon qui provoque le remplacement de par dans la protéine; la seule différence entre le maïs W22 ems et le maïs W22 non muté est une substitution non conservative dans le 5e codon qui remplace une phenylalanine par une leucine. L'intégrité de cette partie de la protéine est donc cruciale pour sa fonctionnalité.

L'effet n'est pas total (le grain de la figure e n'est pas tout à fait un fruit de maïs et les grains de la figure g ne sont pas tout à fait des fruits de téosine, ce qui montre que d'autres gènes interviennent dans la protection du fruit.

La situation est donc bien plus complexe que ne l'imaginait Beadle, mais le Maïs est aujourd’hui une plante modèle et les comparaisons entre variétés sauvages et variétés cultivées, sont extrêmement précieuses pour comprendre les interactions entre gènes.

↑ (1) Les caractères listés ici sont uniquement morphologiques, avec le préjugé qu'ils étaient plus facilement observables par les premiers agriculteurs qui se sont intéressés au Maïs.


On considère aujourd'hui que parviglumis est la variété ancestrale, mais des échanges semblent avoir eu lieu ultérieurement avec mexicana, plus adaptée à l'altitude, puisque vivant sur les haut-plateaux mexicains (Yang, 2023). La domestication a du prendre beaucoup de temps d'autant que se nourrir essentiellement de Maïs représente un régime très déséquilibré du point de vue des acides aminés essentiels (le Maïs manque de lysine et de tryptophane par rapport aux besoins humains) qui n'est rétabli qu'avec la consommation simultanée du Haricot ou de la Courge. Les paléoanthropologues pensent que le maïs a probablement été d'abord utilisé pour produire une boisson fermentée (chicha) plutôt que comme nourriture (Sallmann, 2022 p.35) d'autant que la tige de la téosinte est sucrée.

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Vase en forme de tige de maïs, culture Nasca, Pérou, 1-600 CE (Public Domain, Crédit MET).
En 2018, Logan Kistler et ses collaborateurs proposent une évolution des premières variétés semi-domestiquées de Maïs (crées au Mexique dans la vallée tropicale humide de Balsas, vers 9 000 BP) sur les territoires du Pérou et de la Bolivie (en isolation des souches ancestrales de téosinte du Mexique) vers 6 000  BP, avant leur retour en Amérique centrale lors de vagues de migrations successives (Kistler, 2018).

Les études (analyses isotopiques de la dentition) menées dans un abri sous-roche du Belize par Douglas Kennett et ses collaborateurs montrent que le maïs n'a pris une part significative (70%) dans l'alimentation qu'il y a 6 000 ans. Entre 6 700 BP et 6 000 BP il apparait constituer une part minoritaire (autour de 30%) de l'alimentation et seulement chez certains individus (Kennett, 2020); il n'est pas du tout consommé avant 6 700 BP. Comme le patrimoine génétique des Mayas provient au moins à 50% de migrants d'Amérique du sud, on estime que ces migrants ont apporté avec eux des variétés de Maïs davantage domestiquées que celles préalablement présentes en Amérique centrale.

Le Maïs se répand dans l'ouest de l'Amérique vers 4 000 BP, en Louisiane vers 3 000 BP (Sallmann, 2022 p.35) et dans les Caraïbes où il est découvert par Christophe Colomb en 1493. La diffusion vers le nord s'accompagne de changements significatifs dans les QTL contrôlant la photopériode.

Une plante divine
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Dieu du maïs émergeant d'une fleur, culture Maya, Mexique, 600-800 CE (Public Domain, Crédit MET).
Les premiers villages d'agriculteurs retrouvés (Olmèques) sont datés de 3 200 BP au Belize; Les civilisations olmèques et maya s'influencent par la suite avec le développement de grandes cités (comme Tikal et Calakmul). Ces citées-états sont en perpétuelle rivalité et les conflits semblent s'accentuer vers le 8e siècle. Elles sont abandonnées au début du 10e siècle et recouvertes par la forêt. Les causes de leur effondrement généralisé reste discutées, mais impliqueraient des variations climatiques. On considère que ces civilisations n'ont pu se développer que grâce à la culture du maïs; mais cette culture, exigeante en eau (l'existence d'une saison des pluies bien développée est indispensable) les rend fragiles; elles n'auraient pas survécu à une succession de sécheresses.

La nixtamalisation, une préparation culinaire datant de 3 500 BP, consiste à tremper et à cuire les grains de maïs dans une eau alcaline (par exemple avec ajout de cendre); elle élimine l'enveloppe des grains, enrichit l'aliment en calcium et libère la niacine, une partie cruciale de la vitamine B3 (dont la carence entraine la pellagre); après broyage on obtient une pâte, la massa qui est la base de la réalisation des tortillas, tamales, etc. Comme le Maïs est pauvre en tryptophane, un précurseur de la niacine, toute technique améliorant l'utilisation digestive de ces composés est essentielle et l'invention de la nixtamalisation correspond au développement de la civilisation Maya. Pourtant, en Europe alors que la pellagre apparaissait chez des paysans pauvres gros consommateurs de maïs, les mécanismes à l'œuvre n'ont été élucidés (et donc reliés à l'alimentation) qu'après la seconde guerre mondiale.

En Europe, le maïs devient généralement un complément alimentaire mais plus souvent il sera un aliment pour le bétail. Quelques régions l’adoptent comme aliment de base, avec des préparations spécifiques comme la polenta en Italie ou la mamaliga en Roumanie.

Jiahn-Chou Guan et al.. 2023. Maize domestication phenotypes reveal strigolactone networks coordinating grain size evolution with kernel-bearing cupule architecture. The Plant Cell, Volume 35, Issue 3, pp.1013–1037. 10.1093/plcell/koac370

Ning Yang et al. . 2023. Two teosintes made modern maize. Science 382, eadg8940. DOI: 10.1126/science.adg8940

Jean-Michel Sallmann. 2022. L'Amérique du nord - 25 000 ans av. notre ère - 19e siècle. Belin.
Les amérindiens d'Amérique du nord.

Douglas J. Kennett et al.. 2020. Early isotopic evidence for Maize as a staple grain in the Americas. Sci. Adv.6, eaba3245. DOI: 10.1126/sciadv.aba3245.

Xuan Zhang et al.. 2019. The tin1 gene retains the function of promoting tillering in maize. Nature Communication 10, 5608. DOI: 10.1038/s41467-019-13425-6.

Michelle C. Stitzer, Jeffrey Ross-Ibarra. 2018. Maize domestication and gene interaction. New Phytologist. DOI: 10.1111/nph.15350
Un article essentiel avec une excellente synthèse historique.

Logan Kistler et al.. 2018. Multiproxy evidence highlights a complex evolutionary legacy of maize in South America. Science 362: 1309-1313. DOI: 10.1126/science.aav0207.

Anthony Studer et al.. 2017. Selection During Maize Domestication Targeted a Gene Network Controlling Plant and Inflorescence Architecture. Genetics, Volume 207, Issue 2:755–765. DOI: 10.1534/genetics.117.300071

Vann et al.. 2015., Natural variation in teosinte at the domestication locus teosinte branched1 (tb1). PeerJ 3:e900. DOI: 10.7717/peerj.900 1

Huai Wang et al.. 2015. Evidence That the Origin of Naked Kernels During Maize Domestication Was Caused by a Single Amino Acid Substitution in tga1. Genetics, Volume 200, Issue 3, pp.965–974. DOI: 10.1534/genetics.115.175752

Sophie Bouchet et al.. 2013. Adaptation of Maize to Temperate Climates: Mid-Density Genome-Wide Association Genetics and Diversity Patterns Reveal Key Genomic Regions, with a Major Contribution of the Vgt2 (ZCN8) Locus. PLOS. DOI: 10.1371/journal.pone.0071377

Anthony Studer et al.. 2011. Identification of a functional transposon insertion in the maize domestication gene tb1. Nat Genet. 2011 Sep 25;43(11):1160-1163. DOI: 10.1038/ng.942

Huai Wang et al.. 2005. The origin of the naked grains of maize. Nature 436: pp. 714-719. DOI: 10.1038/nature03863, alternate and figures.

Lauren Hubbard et al.. Expression patterns and mutant phenotype of teosinte branched1 correlate with growth suppression in maize and teosinte. Genetics 162(4):1927-1935. DOI: 10.1093/genetics/162.4.1927

John Doebley. 2001 George Beadle’s Other Hypothesis: One-Gene, One-Trait. Genetics, Volume 158-2: pp.487–493 DOI: 10.1093/genetics/158.2.487

George W. Beadle. 1939. Teosinte and the origin of maize. Journal of Heredity, Volume 30, Issue 6: pp.245–247. DOI: 10.1093/oxfordjournals.jhered.a104728

John Harshberger. 1896. Fertile crosses of teosinte and maize. Garden and Forest, 9 (1907): pp.398-402. archive.org

Charles Darwin. 1868. Animals and Plants under Domestication. Orange Judd & Co., New York, USA, vol.1 pp.385-387 (archive.org).

Les maïs hybrides ou l'histoire d'une dépossession des paysans ↑ 

Le grand flou des hybrides
Jusque dans les années 1920 la culture du maïs était représentée par des variétés paysannes (landraces) aussi bien dans sa région d'origine comme le Mexique qu'aux Etats-Unis ou en Europe. Chaque variété paysanne conservait une forte diversité génétique permise par la prédominance de la fécondation croisée. Les pratiques de sélection classique visant à "améliorer" la plante menées aux Etats-Unis au début du 20e siècle ont donné peu de résultats en partie du fait qu'il était difficile de sélectionner des caractères spécifiques chez des plantes fortement hétérozygotes (les interactions entre gènes ne faisaient pas partie du bagage de connaissances de l'époque). L'aversion des scientifiques pour une diversité non maîtrisée a du jouer aussi.

En effet, lorsqu'on a cherché à obtenir des lignées pures en répétant l'autofécondation d'une génération à l'autre (on enveloppe les fleurs femelles dans un sac et on contrôle ainsi que le pollen déposé vient de la même plante), les plantes devenaient de plus en plus chétives; plus on purifiait les lignées parentales, moins les plantes étaient vigoureuses (dépression de consanguinité).

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Modifié d'après Sushma Naithani et Oregon State University. © Creative Commons by (Attribution) 4.0.

L'idée formulée dans les termes de vigueur hybride ou plus savamment d'hétérosis (par Georges Shull et Edward East dans les années 1920) repose sur le constat que les descendants obtenus par croisement sont plus performants que la performance moyenne des parents (surtout si les parents sont de lignées pures différentes).

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Vigueur hybride (heterosis) et dépression de consanguinité (inbreeding depression) chez le maïs (d'après Becker, 1993: p.146).

Croisement de deux parents de lignée pure P1 et P2, puis autofécondation (selfing) de la F1 et des générations suivantes.
Les deux chercheurs vont contribuer (indépendemment l'un de l'autre) à populariser l'utilisation de maïs hybrides issus du croisement de deux lignées pures (Charcosset; Berlan, 2021).

Le terme "maïs hybride" est problématique car tous les maïs paysans sont des hybrides. Il faudrait utiliser le terme d'hybride F1 de lignées pures pour distinguer les maïs produits par la "techno-agriculture" des variétés paysannes: pour bénéficier au maximum de la valeur hybride, il faut en effet se limiter à la plantation de la première génération de descendants.

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Nuage de poussière approchant Stratford, Texas, 1935; Crédit: NOAA George E. Marsh; source: Wikimedia.
En 1926, Agard Wallace fonde Pioneer qui deviendra la plus grande entreprise de semence des Etats-Unis; utilisant sa position de secrétaire (ministre) à l'agriculture de Franklin Roosevelt à partir de 1933, il fait passer la superficie semée en maïs hybrides aux Etats-Unis de 1 à 88 % entre 1935 et 1945 !

Mais pour certains le Dust Bowl (Bassin de poussière), une série de tempêtes de poussières qui touche les "Grandes plaines", à la frontière du Texas, du Colorado et du Kansas, et ruine des centaines de milliers de fermiers a facilité cette réorganisation.

D'après ses défenseurs, l'utilisation de maïs F1 hybrides permet un gain de productivité (par rapport aux lignées parentales); et les agriculteurs disposent d'une plante aux caractéristiques très homogènes.

Les opposants peuvent relever le fait que cette homogénéité rend la culture plus sensible en cas d'attaques de ravageurs ou de mauvaises conditions climatiques, et surtout que le bénéfice est perdu rapidement: au fil des générations, par recombinaison génétique des gamètes, les plantes deviennent différentes les unes autres et la vigueur hybride s'affaiblit très fortement. L'agriculteur doit donc racheter chaque année les semences à un semencier. Le paradoxe est que la recherche de stabilité qui aboutit aux hybrides F1 crée en réalité des plantes assurément instables dans leur descendance !

Le travail de centaines de générations de paysans confisqué
La combinaison de la mise en place du catalogue et de la non reproduction à l'identique des hybrides (dégénérescence de la performance) s'apparente à un vol. L'extraordinaire développement des hybrides aux Etats-Unis dans la première moitié du 20e siècle et dans la seconde moité du même siècle ailleurs dans le monde est l'histoire d'une confiscation. Pour l'économiste Jean-Pierrre Berlan, la focalisation des recherches, y compris publiques (INRAE en France), sur les hybrides F1 a bloqué des alternatives qui auraient pu obtenir des résultats voisins (Bonneuil, :82). En France, le mais F1 hybride a offert un temps aux agriculteurs les plus entreprenants des coopératives la possibilité de devenir producteurs de semences; le taux d'utilisation des hybrides F1 passe de 3% en 1950 à 55% en 1960; mais dès 1960 les petites coopératives laissent la place à des géants mondiaux qui s'attribuent l'essentiel des revenus agricoles (Bonneuil, :83-85).

Au niveau scientifique, le phénomène de la vigueur hybride est connu chez tous les êtres vivants et donc chez toutes les plantes cultivées, mais il est plus important chez les espèces où la fécondation croisée domine (allogames) et plus limité chez les espèces autogames. La génétique mendélienne pourrait apporter une petite partie de l'explication: un allèle récessif défavorable apparait plus facilement à l'état homozygote dans une population autogame et serait éliminé par la sélection naturelle. Chez le Maïs, allogame, le gain de productivité des mais hybrides F1 peut atteindre 25%. Chez le Blé, espèce majoritairement autogame, il ne dépasserait pas 10%.

Le terme très flou de vigueur hybride ne fait que masquer notre ignorance; le phénomène reste très mal expliqué; et il ne faut pas oublier que les conceptions sur le génome, lorsque ce concept a été formulé (dans les années 1920), étaient bien différentes et bien plus limitées (plus réductionnistes) que nos conceptions actuelles. La complexité des interactions entre gènes joue très probablement un rôle (Birchler et al., 2010; Fiévet et al., 2018, Vasseur et al., 2019). Julie Fiévet est particulièrement sévère qualifiant ceux qui utilisent le terme de vigueur hybride d'adeptes de la pensée magique. Dans une démonstration de biologie théorique, elle explique que les résultats observés sont parfaitement prévisibles et calculables à partir d'une analyse mathématique. La valeur hybride (et en miroir la dépression de consanguinité) n'affectent pas de la même manière tous les caractères, plus un caractère est complexe, c'est à dire plus il y a de gènes concernés (caractère multigénique) ou d'interactions de gènes en réseau, plus il est affecté: la masse de la plante est plus affectée que la taille des feuilles; la fertilité est particulièrement affectée (Gallais, 2016).

Dans les pays "riches", la combinaison du catalogue et de la dégénérescence des hybrides F1 rendent les agriculteurs effectivement dépendants des semenciers; toutefois ce qui est vrai pour le maïs ne l'est pas pour les espèces majoritairement autofécondes, moins sensibles à la vigueur hybride. Dans les pays pauvres, les contraintes du catalogue peuvent être plus limitées et les contrôles de leur respect quasi inexistants; ressemer une partie de la récolte l'année suivante peut devenir la règle, qu'il s'agisse de variétés paysannes (lire ci-dessous le cas du Mexique) ou d'hybrides F1 (d'espèces autogames qui donc conservent leur vigueur et leur fertilité).

Variété Année
d'inscription
Rendement
(t MS/ha)
Besoins en
eau (mm)
Inra258195812,0300
LG11197013,0320
Dea198015,5390
Anjou285199418,5460
Anjou295199720,0500
La dépendance en eau, un dommage collatéral ?
Le Maïs possède un système racinaire superficiel et est donc exigeant en eau. La techno-agriculture en fabriquant les maïs hybrides s'est focalisée sur la productivité (sans doute parce qu'il faut bien que les agriculteurs puissent compenser le surcoût de l'achat chaque année des semences). Mais il n'y a pas de miracle, pour que la productivité augmente, il faut aussi plus d'eau (Barrière, 2001).

L'agro-industrie n'est pas appréciée au Mexique
Une grande diversité a été préservée parmi les maïs mexicains en accord avec les multiples climats et reliefs, mais aussi avec la multitudes des pratiques culturelles de consommation. «Le schéma capitaliste propre à la révolution verte a privilégié les semences hybrides commerciales qu’il faut donc impérativement racheter à chaque cycle de production. Cependant, malgré six décennies de promotion de ce système, on estime que seulement 22 % de la superficie nationale cultivée utilise le maïs hybride et cela dans les régions irriguées ou recevant suffisamment de pluies. Pour les 78 % de champs restant, les agriculteurs continuent à semer leurs propres graines» (Mota Cruz, 2021).

Alain Charcosset. Le fait hybride, conditions de l'innovation et choix stratégiques. PROmais.
Une historique détaillée des maïs hybrides. Comme son nom l'indique, le site PROmais fait la promotion du mais, mais diffuse aussi des variétés paysannes.

Cecilio Mota Cruz. 2021. Dimensions de la diversité des maïs indigènes au Mexique. Revue d’ethnoécologie. DOI: 10.4000/ethnoecologie.7453.

Jean-Pierre Berlan. 2021. Hybrid corn beyond heterosis: reading George Shull's hybrid corn articles (1908–1909). Journal of Genetics 100:72. DOI: 10.1007/s12041-021-01325-y

Jean-Pierre Berlan. 2018. Hybrid corn and the unsettled question of heterosis. J Genet 97(5):1075-1082.. DOI: 10.1007/s12041-018-1037-2

Julie B Fiévet. 2018. Heterosis Is a Systemic Property Emerging From Non-linear Genotype-Phenotype Relationships: Evidence From in Vitro Genetics and Computer Simulations. Front Genet 9:159. DOI: 10.3389/fgene.2018.00159.

Christine Arncken-Karutz et Hansueli Dierauer. 2005. Hybrid Varieties for Organic Cereals ?. Research Institute of Organic Agriculture (FiBL), Ackerstrasse, Switzerland. ResearchGate.

Yves Barrière. 2001. Le maïs et l’eau: une situation aujourd'hui paradoxale. Fourrages 168, pp.477-489. Hal id: hal-02669778


Le maïs, un OGM modèle ? ↑ 

Les premiers OGM
Ce sont les développements de la biologie moléculaire qui ont permis le transfert de gènes entre espèces. Lorsqu’on été découvertes les premières de ces techniques, l'intérêt de la techno-agriculture était immédiat, peut-être pour faire oublier l'appauvrissement de diversité génétique à laquelle avait conduit 50 années de tentatives sur les "maïs hybrides". Les premières manipulations génétiques des plantes tiennent un peu du bricolage et sont souvent nommées (en Europe) "OGM de première génération". Des techniques bien plus précises sont utilisables aujourd'hui, mais n'ont pas encore produit de plantes commercialisables. Ces OGM de "deuxième génération" étendent considérablement les possibilités d'innovation et font disparaitre la notion de frontière d'espèce dans la mesure où intervenir sur des gènes déjà présents devient économiquement compétitif par rapport aux méthodes d'hybridation classiques qui s’exerçaient dans le cadre de l'espèce. Pour la description détaillée de ces techniques, vous pourrez consultez la page Des enzymes de restriction à CRISPR Cas (en cours de rédaction).

Il convient de bien rappeler la différence entre les méthodes de sélection (et d'hybridation) pratiquées depuis la nuit des temps et la production d'OGM.

La tradition paysanne ne crée aucune nouveauté en soi, elle s'appuie sur la diversité déjà présente dans la nature. En modifiant l'environnement des plantes d'intérêt, elle crée une pression de sélection intentionnelle ou non qui fait apparaitre de nouvelles variétés; mais les changements sont lents, même quand les gènes en jeu sont des gènes à large effet (c'est à dire qui contrôlent d'autres gènes) et il est faux de dire que les conséquences n'ont pas déjà été testées dans la nature (sauf en cas de modification profonde de l'environnement, par exemple lorsqu'une plante est déplacée géographiquement). L'usage d'hybrides F1 stériles ou dégénérescence d'une génération à l'autre repose sur une philosophie totalement opposée (à celle de la tradition paysanne) d'un point de vue économique, mais ne crée pas davantage de nouveauté du point de vue biologique.

Au contraire les OGM ont pour but d'introduire intentionnellement une innovation dans le génome, nouveauté jamais testée dans la nature. L'expérimentation ne se fait plus par petites touches, mais est d'emblée testée dans une population homogène à 100% (un clone). L'intention (humaine) ne saurait servir de garantie.

Bacillus thuringiensis (Bt), la bactérie miracle
Il a déjà été question de cette bactérie sur cette page dans la lutte contre les Moustiques du Languedoc-Roussillon. Il n'y a pas que les Moustiques qui soient sensibles à cette bactérie; de très nombreux insectes le sont aussi (et même des Rats lorsque les spores de la bactérie pénètrent dans les poumons). Il est possible de pulvériser les spores sur les cultures mais les spores sont vites inactivées à la lumière; l'effet persiste davantage dans le sol. L'usage est autorisé en agriculture biologique et c'est l'insecticide le plus utilisé au monde dans ce cadre, mais cela ne représente que 2% des usages (bio et non bio) de l'ensemble des insecticides (Fargues et Bourguet 2005).

Si les premiers usages du Bt remontent aux années 1920, son utilisation pour développer des OGM est bien plus récente. Les spores du Bt contiennent des protéines cytotoxiques sous forme de précurseurs cristallisés appartenant à la famille des "protéines formant des pores". La plus connue de ces molécules est Cry1Ab, mais il en existe des dizaines. Chaque molécule présente une certaine spécificité ciblant davantage une famille d'insectes plutôt qu'une autre.

Un seul maïs génétiquement modifié est autorisé à la culture au sein de l’Union européenne : le maïs MON810 (mis au point et commercialisé par Monsanto); il possède une résistance à certaines insectes ravageurs, la Noctuelle du maïs (Sesamia nonagrioides) et la Pyrale du maïs (Ostrinia nubilalis) grâce à l'insertion du gène du Bt produisant la protéine Cry1Ab et de gènes annexes (promoteur provenant du virus de la mosaïque du Chou, etc.).

Malgré l'autorisation de culture donnée au MON810, chaque pays européen peut prendre une position différente. En France cette culture a été interdite en 2008 (avec celle de l'ensemble des plantes OGM) et a donné lieu a une multitude de controverses; seuls l'Espagne et le Portugal le cultivent toujours, mais 78 variétés végétales sont autorisées à l’importation en Europe dont la France (2021). MON810 est cultivé aux Etats-Unis depuis les années 1990. En Afrique du sud qui a cultivé massivement le MON810, devant l'apparition de résistances des insectes cibles, il est progressivement remplacé par un autre OGM, le MON89034, faisant appel à des protéines insecticides différentes toujours issues du Bt, Cry1A.105 et Cry2Ab.

Discussion: contrairement aux traitements conventionnels utilisant le Bt, ciblés et temporaires (lorsque les ravageurs apparaissent), le MON810 (et ses équivalents) produisent l'insecticide en permanence (même si c'est en quantité variable selon les organes de la plante et leur développement). De plus le Bt contient un ensemble de protéines sous forme de protoxines, alors que le MON810 contient une seule forme tronquée proche d’une forme activée (Lilian Ceballos, 2008). La spécificité du Cry1Ab visant les papillons est mise doute (problème potentiel pour les abeilles). Les études préalables avaient insisté sur le fait qu'«il est particulièrement difficile de prédire le devenir à moyen et long terme des espèces non-cibles, qu’elles soient liées au maïs MON810 ou non. Il est encore plus difficile de prédire l’effet de ces variations de densité sur les autres composantes des agrosystèmes» (Marvier et al. , 2007 cité par Pagès, 2020).

Le problème majeur est l'apparition de résistances chez les populations cibles (Pagès, 2020). La solution proposée par Monsanto est de mettre en place des zones refuge (culture de maïs non OGM ne produisant pas d'insecticide).

Enfin l'insuffisance des études, parce que toutes menées en laboratoire (et non sur le terrain) est pointée dans les rapports critiques (Lilian Ceballos, 2008).

Dans l’Union Européenne, 70% des importations destinées à l’alimentation animale sont issues de plantes génétiquement modifiées (2019). Parmi elles, le maïs NK603 (mis au point et commercialisé par Monsanto) qui tolère les herbicides à base de glyphosate (l'herbicide basé sur le glyphosate le plus connu est le Roundup, mais son brevet est dans le domaine public depuis 2000).

Le maïs NK603 porte deux copies du gène EPSPS dont une modifiée, provenant de la souche CP4 d'une bactérie du sol, Agrobacterium tumefaciens; le gène code la 5-énolpyruvylshikimate-3-phosphate synthase (EPSPS). L'enzyme standard présente chez les plantes supérieures est inhibée par le glyphosate, mais non sa variante mutée (Q9R4E4) par la modification d'un acide aminé, et découverte chez la souche CP4. La méthode de transfert chez le maïs NK603 est le bombardement des cellules végétales par des microparticules d'ADN contenant ce gène (biolistique), mais d'autres techniques sont possibles en utilisant directement Agrobactérium.

A noter qu'il existe d'autres mécanismes de résistance au glyphosate impliquant d'autres gènes chez d'autres bactéries.

Les maïs MON810 et NK603 ont (évidemment...) été croisés pour combiner les deux résistances (à la pyrale et au glyphosate).

Le glyphosate a un effet sur le microbiote intestinal humain.

La résistance des plantes adventices au glyphosate (et à d'autres herbicides) progresse en France. Encore une leçon concernant la sélection naturelle, mais le cas du téosinte est encore plus intéressant.

La revanche de la téosinte
Un des arguments des défenseurs des OGM, en particulier du maïs OGM était que son ancêtre sauvage n'était pas présent aux latitudes tempérées, ce qui empêchait des échanges génétiques entre mais et téosinte (ce qui ne résolvait pas la question pour les cultures tropicales de maïs). Un autre argument était que les plantes sauvages n'avaient aucune chance d'acquérir et de conserver des gènes introduits dans les mais cultivés parce que ces gènes leur étaient inutiles dans la nature.

Hors on a vu récemment apparaitre des téosintes en Espagne, mais aussi en France. Ces téosintes possèdent des segments d'ADN en provenance de maïs cultivés; l'un des segments contrôle l'époque de floraison permettant une adaptation aux régions tempérées. L'autre segment contient un allèle du gène encodant l'acetyl-CoA carboxylase 1 (ACC1) permettant la résistance aux herbicides (cycloxydim) inhibant l'action de cet enzyme.

Il a été montré (Le Corre, ) que le gène adaptant la téosinte aux régions tempérées provient de maïs cultivés. De même le gène de résistance au cycloxydim provient d'un échange avec un maïs cultivé (maïs DUO). L'entreprise BASF explique avoir obtenu ce maïs DUO en introduisant une mutation spontanée découverte dans les années 1980 (...) dans les hybrides de maïs par des méthodes classiques de sélection (rétro-croisements successifs); ce maïs modifié échappe donc à la réglementation sur les OGM.

Comme on le voit, les plantes sauvages peuvent conserver des gènes issus de plantes cultivées qui leur donnent un avantage (ici coloniser les régions tempérées) ou leur donnent accès à la niche écologique de plantes cultivées en présence d'herbicides. Il faut donc considérer que les échanges génétiques ayant permis la domestication des plantes se font aussi en sens inverse.

La présence de ces téosintes qui se reproduisent très bien dans les champs de maïs diminue les rendements.

Peut-on débattre sereinement des OGM ? l'affaire Séralini

infogm.org.

Valérie Le Corre et al.. 2020. Adaptive introgression from maize has facilitated the establishment of teosinte as a noxious weed in Europe. Proc Natl Acad Sci (PNAS), USA, 202006633. DOI: 10.1073/pnas.2006633117.

Gilles-Eric Séralini et al.. 2012. Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize. Food and Chemical Toxicology, vol.50, 11: 4221-4231 (RETRACTED). DOI: 10.1016/j.fct.2012.08.005. L'article est republié en 2014. Environ Sci Eur 26, 14. DOI: 10.1186/s12302-014-0014-5

Affaire Séralini. Wikipedia.

Jean-Christophe Pagès et al.. 2009. Avis sur la culture et de la consommation du maïs Mon810, Dossier EFSA-GMO-RX-MON 810. [0] Haut Conseil des biotechnologies. 2009, 43 p. hal-02916036.

Lilian Ceballos. 2008. Impacts environnementaux des plantes Bt - Résumé. (pdf)
Un dossier très pédagogique pour comprendre le fonctionnement des insecticides basés sur le Bt.


La domestication du Maïs: un thème piégé pour l'école ↑ 

(en cours d'écriture)

Jean-Claude Hervé, Naoum Salamé. 2012. Le Maïs. Ifé.
Lire surtout la proposition pédagogique (lien en bas de la page d'introduction). Il est à noter qu'en 2024, ce thème, contrairement aux années précédentes peut faire l'objet de questions écrites au baccalauréat. C'est un thème éminemment politique et ce document présent sur le site de ifé est sans doute plus représentatif de la position de l'IGEN (une "apologie" des techniques de génie génétique) que ce que j'expose tout au long de cette page; je vous conseille donc malheureusement la prudence dans un contexte d'examen. Et pourtant Hervé et Salamé tombent dans le piège réductionniste comme on l'a vu plus haut en reprenant sans recul les affirmations de Georges Beagle datant des années 1970, une vision aujourd'hui dépassée.

Les documents pour la classe terminale présentés sur le site officiel éduscol sont parfois bien plus inquiétants:
2012. La plante domestiquée. DGESCO-IGEN:pp.20-21.

On y trouve cet exemple de sujet dit de type 1:
«A partir des connaissances et des informations issues du document fourni (document 4), présentez des arguments qui pourraient être évoqués en faveur ou à l’encontre de l’utilisation des biotechnologies telles que celles, que vous présenterez, qui ont conduit à la production du maïs transgénique de type Bt.»

Outre qu'on peut trouver étrange qu'un sujet de type 1 consiste à extraire d'un texte aussi long les arguments qui constituent la réponse (le sujet ressemble davantage à une question de type 2, mais avec un seul document, et ce n'est pas la règle); le texte est un panégyrique d'un procédé de génie génétique: il ne manque que la citation de la firme Monsanto et de son produit le Maïs MON810. Le texte occulte le fait que ce mais n'a été cultivé en France qu'à petite échelle et en suscitant de nombreuses polémiques.

Et malheureusement pour les supporters des OGM, depuis, en Europe il n'est plus cultivé qu'en Espagne et au Portugal, interdit en France en 2014. Surtout, comme on pouvait le prévoir, une résistance des insectes consommateurs est apparue dans les états ou ce maïs a été très utilisé (Afrique du sud), conduisant à l'abandon de sa culture dans ces pays.

2023. bac STL "23-TL3BPO1"
Le bac STL, lui, repose uniquement sur de (nombreuses) questions sur documents, la lecture de ce sujet bien plus actuel ne peut qu'être instructive; complète et enrichit les critiques précédentes sur le thème du MON810.

 Bibliographie



Adresse de cette page: http://www.didac-tic.fr/concepts/evolution/in_action/maize.php